retour à la page précédente

Agrivoltaïsme et agriculture : passer de la théorie à la pratique avec quels risques ?

En théorie, l’agrivoltaïsme doit viser à  concilier production agricole et production d’électricité. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Des installations agrivoltaïques sont compatibles avec l’élevage ou avec des cultures. Les panneaux photovoltaïques apportent une protection contre le soleil et les aléas climatiques (ex: gel, grêle). Ils peuvent modifier la température du sol ainsi que le micro-climat et son homogénéité dans la parcelle.  Les conséquences de ces modifications de la température du sol et du micro-climat sont encore à évaluer. Et de nombreuses questions restent posées.

Production d’électricité : avec quelles perspectives de rendement ?

L’intérêt du développeur photovoltaïque est de maximiser la production d’électricité. Or, la performance énergétique optimale du système photovoltaïque semble incompatible avec une production agricole normale. L’INRAE évoque un taux de 20 % de couverture du sol  pour parvenir à maintenir un rendement agricole normal (2000 m² de panneaux par hectare). De fait, trop de panneaux pénalisent la culture en apportant trop d’ombre.  Les considérations économiques poussent souvent les opérateurs à installer plus de panneaux. Et la forte asymétrie entre les bénéfices très élevés de la production électrique et ceux de la production agricole y incite aussi. Aujourd’hui, il faut donc que le développeur accepte une contrainte sur la production d’électricité. Pour le maintien de la production agricole, la recherche de rendement doit trouver une limite.

Agrivoltaïsme : quelles performances agricoles ?

Des performances agricoles soumises à aléas 

Du côté des cultures, les modules photovoltaïques interfèrent avec la lumière que les plantes vont recevoir (intensité et durée). En fonction du positionnement des modules ainsi que de la tolérance à l’ombrage de la culture, la productivité agricole peut être impactée négativement. Les modules influent aussi sur la distribution spatiale de la pluie et engendrent une hétérogénéité de la répartition de l’eau liée à la hauteur, la forme et la capacité à s’orienter de la structure photovoltaïque.  Les études montrent que les effets sur les rendements dépendent beaucoup des conditions pédoclimatiques, des espèces et des variétés cultivées selon leurs besoins en eau et en ensoleillement, ainsi que des caractéristiques des structures photovoltaïques (taux de recouvrement, orientation des panneaux, hauteur…).

De multiples modèles d’affaires plus ou moins avantageux pour les exploitations agricoles

Les modèles économiques des installations agrivoltaïques varient en fonction du type d’installation. Certains projets sont portés par des développeurs (énergéticiens), d’autres sont portés par l’exploitation agricole dans une optique d’autoconsommation, voire de production (pour vendre l’électricité produite sur la parcelle agricole).

Dans le cas de toitures photovoltaïques en autoconsommation :

Le plus souvent, l’agriculteur (ou l’exploitation agricole) porte le projet et investit lui-même dans cette installation. Plus il y a d’autoconsommation, plus c’est rentable. Mais il faut tout de même à minima une dizaine d’année pour avoir un retour sur investissement.

 Dans le cas de serres photovoltaïques :

Les retours d’expérience collectés par l’ADEME font état le plus souvent d’un développeur qui investit dans la construction de la serre en bénéficiant d’une mise à disposition du terrain gratuite par l’exploitant agricole ou d’un faible loyer.

Dans le cas des ombrières photovoltaïques :

Il y a une prise en charge des coûts d’installation par le développeur et un agriculteur qui ne perçoit pas de rémunération, mais qui profite d’un service agronomique. Quand le propriétaire de la parcelle n’est pas l’agriculteur, le développeur paye un loyer au propriétaire de la parcelle et l’agriculteur bénéficie quant à lui du terrain gratuitement.

Dans le cas d’installations au sol couplées avec de l’élevage :

Dans ce modèle d’affaires, le développeur finance la construction et verse un loyer au propriétaire foncier. L’exploitant peut toucher une rémunération. De fait, c’est l’investisseur qui bénéficie en majorité des recettes liées à la production d’électricité.

Agrivoltaïsme : Un net différentiel de gains entre production agricole et production d’électricité

Il existe une différence marquée entre les bénéfices issus de la production d’électricité et ceux issus de la production agricole. L’INRAE évoque, pour une installation coûtant entre 500 000 et 1 million € par hectare, une marge sur la production électrique de 50 000 à 200 000 €/ha et par an pour une marge de la production agricole de l’ordre de 500 à 10 000 € par hectare et par an selon les systèmes de production. La tentation de privilégier l’activité la plus rentable peut donc être grande !

 Agrivoltaïsme: Quels risques pour la transmission des exploitations agricoles  ?

L’agrivoltaïsme peut limiter l’adaptabilité de l’exploitation et de ses productions, empêcher des changements d’itinéraires techniques ou l’utilisation de matériels plus performants. Cela peut être un frein à la transmission de l’exploitation. Des craintes s’expriment aussi en matière de spéculation foncière.

Conclusion : des conditions de développement de l’agrivoltaïsme encore non optimales

L’agrivoltaïsme peut présenter des atouts pour les productions, les exploitations et la société, mais l’existence de zones d’ombre encore importantes et de risques identifiés suscite encore des réserves notables. Se saisir de cette opportunité ne doit pas faire oublier la priorité à donner à notre alimentation à tous.

Pour en savoir plus :

Ressources, la revue d’Inrae n°5 – Hiver/Printemps 2024 :[Téléchargez la revue INRAE]

Caractériser les projets photovoltaïques sur terrains agricoles et l’agrivoltaïsme – ADEME – Juillet 2021 : [Téléchargez l’article de l’ADEME]

> Pour en savoir plus, consulter le site de la CFDT Agri-Agro