De plus en plus de femmes en agriculture : comment la CFDT Agri-Agro propose de protéger leur santé au travail ?
Le renouvellement des générations en agriculture est un impératif. Et il se caractérise par une part de plus en plus importante de femmes parmi les travailleurs des différentes filières. La CFDT Agri-Agro soutient de nombreuses avancées sociales en ce domaine pour préserver leur santé au travail. C’est un des thèmes de la négociation en interbranches agricole qu’elle a demandée sur les conditions de travail et d’emploi en agriculture.
Adapter le travail aux femmes : prendre en compte leur force physique et leur morphologie
Des équipements de travail adaptés à la morphologie des femmes
Hommes, femmes, même si nous appartenons tous à l’espèce humaine, nous nous distinguons par diverses particularités anatomiques et physiologiques. Cela nécessite donc que les employeurs fournissent aux salariées des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés. Pour la CFDT Agri-Agro, cette obligation doit sans cesse être rappelée par la profession.
Il en va de même pour les vêtements. En élevage, par exemple, les normes sanitaires imposent parfois que l’intégralité de l’habillage au travail soit contrôlée par l’entreprise. Et que les salariées doivent revêtir une tenue intégrale fournie par l’entreprise, sous-vêtement inclus. Il est donc nécessaire que les employeurs de main d’œuvre féminine fournissent les soutiens gorges et slips adaptés. Et au-delà de ce cas spécifique, des habits de qualité et à la bonne taille.
Tenues de travail adaptées ou indemnisation
Il est possible que des entreprises préfèreraient déléguer les achats ou ne pas fournir ces équipements. La CFDT Agri-Agro revendique dans ce cas l’indemnisation du temps passé à l’achat sur le temps de travail. Et le remboursement à la salariée du coût réel de l’équipement acheté.
Des postes de travail pensés pour limiter la pénibilité pour les femmes
Dans le même ordre d’idée, la CNAMTS définit les notions de charge lourde dans sa recommandation R367. La CFDT Agri-Agro demande que cette recommandation soit respectée dans toute l’agriculture. Et qu’on définisse paritairement la masse de 15kg comme limite de charge lourde pour les femmes. (En comparaison, 25kg pour les hommes.)
Au-delà de cette masse, l’utilisation d’une aide à la manutention devrait devenir obligatoire. Diable, transpalette, engin de levage ou même exosquelette sont autant de solutions à mettre possiblement en oeuvre. Pour la CFDT Agri-Agro, ce seuil doit servir de référence pour la définition de la pénibilité liée au port de charge.
Des mesures pour l’égalité réelle : la fin du tabou des règles et de leurs complications !
Un congé endométriose incapacitante sans délai de carence : comme ça, ce sera l’égalité !
La CFDT Agri-Agro revendique la mise en place par le parlement d’un congé menstruel à l’instar de ce qui existe en Espagne. Un projet de loi a été rejeté en France par le Sénat à ce sujet en février 2024.
La CFDT Agri-Agro a posé un premier jalon de son action syndicale en ce sens. Un accord de branche a été signé en accouvage. Cet accord prévoit un congé d’un jour par mois accessible aux femmes souffrant d’endométriose incapacitante. La salariée doit justifier médicalement son absence. Le congé est payé par l’entreprise. La CFDT Agri-Agro souhaite généraliser cette avancée sociale à toute l’interbranche agricole. Dans l’attente du courage à venir des parlementaires, cette situation est à traiter par la démocratie sociale. Ceci pourrait être pris en charge dans le cadre des garanties prévoyance obligatoire. Ce pas en avant pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes est une simple question d’humanité.
Des équipements adaptés dans les procédures de secours et d’urgence
Autre avancée demandée, la mise à disposition de protections hygiéniques de secours dans les exploitations agricoles. Pour diverses raisons, des femmes sont à un moment de leur vie en précarité menstruelle. Ceci peut être résolu dans le monde du travail. En assumant de fournir la protection adaptée en cas de besoin. La CFDT Agri-Agro revendique la présence dans les trousses de secours ou les sanitaires de protections hygiéniques menstruelles. Au même titre que les pansements en cas d’urgence. Au même titre que le papier hygiénique sinon.
Car l’entreprise est un espace d’émancipation. Et on ne peut pas s’émanciper quand ses besoins primaires ne sont pas satisfaits. Pour la CFDT Agri-Agro, il n’est plus acceptable que des femmes ne puissent pas avoir de protections hygiéniques. Certes, ce n’est pas seulement à l’entreprise de résoudre cette inégalité. C’est à la société toute entière de le faire. Mais l’entreprise fait partie de la société.
La CFDT Agri-Agro souhaite faire sauter les verrous psychologiques qui enferment les femmes et qui retiennent les décideurs. Les femmes n’osent pas toujours demander. Les entreprises considèrent que c’est à la collectivité d’agir. La collectivité, c’est nous. Et si les employeurs et les salariés tombent d’accord, la société suivra.
La maternité ne doit plus être un danger pour la salariée et l’enfant à naître
Un poste de travail repensé pour travailler plus longtemps et en santé
A chaque annonce de grossesse par une salariée, un échange avec le service SST de la MSA et l’employeur doit être organisé. Le thème en est le suivant : quels changements pour tenir dans la durée en santé ?
La CFDT Agri-Agro revendique aussi l’interdiction du travail en hauteur à compter du 3ème mois de grossesse. En complément, une analyse fine des pesticides utilisés doit être menée dans le DUER. Notamment pour les substances CMR, cancérogènes, mutagènes et repro-toxiques. Toute utilisation par des salariées enceintes d’hormones sexuelles pour la reproduction des animaux, voire des plantes doit être proscrite.
Enfin, une fois ces analyses et échanges menés, l’entreprise doit adapter le poste de travail de la salariée. Il ne doit rester pour la salariée enceinte aucun risque pour sa santé ni celle du ou des enfants à naître. Sans mesure prise en ce sens, la CFDT Agri-Agro revendique un congé maladie sans jour de carence pris en charge par l’employeur. Pour toute le durée entre l’annonce de la grossesse et le congé maternité.
Et des aménagements de l’organisation pour accueillir l’enfant !
Une fois le ou les bébés venus au monde, il faut les accueillir dignement. Pour de nombreuses femmes, l’allaitement est abandonné pour des raisons d’incompatibilité avec le travail. Bien sûr, chacune a le droit de choisir ce qu’elle préfère. Pour cela, la CFDT Agri-Agro souhaite l’obligation d’un aménagement des horaires de travail pour permettre l’allaitement. Ou encore le recueil du lait maternel. Cela doit faire l’objet d’un entretien entre l’employeur et la salariée avant son retour de congé maternité. L’employeur doit pouvoir mettre à disposition un local adapté à l’abri des regards pour cela. Et une solution de stockage au frais du lait.
Et une lutte accrue contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes et pour la dignité des salariées !
Un référent harcèlement dans toutes les entreprises, des contrôles et des sanctions en cas d’irrespect
L’agriculture n’est pas épargnée par les agissements sexistes et le harcèlement sexuel. Il est rendu d’autant plus facile quand des changements de tenue sont nécessaires à l’activité. A l’instar des plus grandes entreprise, les exploitations agricoles de toute taille ne doivent pas tolérer ces agissements. Il est donc nécessaire d’aborder le sujet lors de l’accueil de tous les salariés. Et qu’un référent soit désigné et identifié dans l’entreprise pour agir en cas de plainte ou de découverte de tels agissements. Ce référent aura droit à la formation adaptée pour connaître le sujet. Et mener des entretiens dans le cadre professionnel.
La rédaction d’une procédure d’alerte est aussi nécessaire. Pour la CFDT Agri-Agro, les services de l’État devraient pouvoir contrôler la matérialité de l’existence de ces procédures. Et sanctionner les manquements. Cela pourrait aussi faire partie d’un engagement social dans le cadre d’une certification de la production, label ou autre.
Le b.a.ba de l’hygiène et de la dignité : des toilettes de chantier dans les champs !
Pour finir, force est de constater qu’il n’y a pas toujours des toilettes dans les champs. Pour la CFDT Agri-Agro, les entreprises doivent fournir un ou plusieurs cabinets d’aisance accessibles lors des travaux aux champs. Cela peut être des toilettes de chantier. Et de fournir aux femmes qui le souhaitent des calices hygiéniques. Cela leur permet d’uriner debout. Et de faciliter la préservation de leur intimité à l’écart du chantier. Voire de leur permettre de fuir rapidement une potentielle agression.
Les idées ne manquent pas. C’est la force du travail collectif des adhérentes et adhérents de la CFDT. Reste maintenant à les mettre en œuvre. Ce sujet est un sujet fondamental d’attractivité des métiers agricoles. Et d’une prise en compte des besoins spécifiques des femmes en agriculture.