La CFDT Agri Agro s’engage activement sur cet enjeu majeur pour assurer la durabilité de la filière viticole et protéger la santé des femmes et des hommes qui y travaillent.
En tant qu’acteur clé du dialogue social, la CFDT Agri Agro porte ces problématiques dans les différentes instances . Les mesures actuelles restent souvent partielles ou limitées à des initiatives individuelles. Face à cette réalité, la CFDT Agri Agro a décidé de mener une démarche proactive en donnant la parole aux travailleurs saisonniers de la vigne.
Une enquête indépendante pilotée par la CFDT AGRI-AGRO
A l’écoute des saisonniers viticoles
Afin de mieux comprendre et agir, la CFDT Agri Agro a soutenu financièrement la phase 2 d’une étude ambitieuse menée par un cabinet indépendant (Croissance Bleue). Réalisée dans un cadre scientifique rigoureux, cette enquête a recueilli les témoignages de plus de 300 saisonniers viticoles travaillant dans le Bordelais, la Champagne et le Sud de la France.
Cette phase 2 donne la parole aux saisonniers viticoles et vient compléter la première phase d’enquête qui concernait les exploitants vignerons.
Elle vise à déterminer les impacts du réchauffement climatique sur les conditions de travail pour dégager des pistes de recommandations issues directement de l’expression des salariés viticoles, Beaucoup sont saisonniers et ils sont les premiers exposés aux canicules.
Pour renforcer son accessibilité le questionnaire d’enquête a été traduit en 7 langues.
Pourquoi cette étude est-elle essentielle ?
Elle permet de documenter les réalités du terrain et d’apporter des recommandations concrètes, directement issues de l’expérience des salariés.
Cette démarche s’inscrit dans la vision de la CFDT Agri Agro qui prône des solutions collectives pour répondre aux défis climatiques.
La parole aux salariés saisonniers
Une main-d’oeuvre féminisée et diverse
L’étude met en lumière la diversité des saisonniers viticoles :
- 40 % ont entre 16 et 30 ans, 40 % entre 30 et 50 ans et 20 % ont plus de 50 ans.
- 50 % sont des travailleurs nationaux et 50% sont des travailleurs étrangers, avec une forte présence de travailleurs d’Europe de l’Est (37%), du Maghreb (9%) et d’autres nationalités (4%) telles que la Suède, l’Espagne ou l’Argentine.
- 42 % des travailleurs interrogés sont des femmes, soulignant une féminisation notable du secteur viticole.
Les constats appellent à des adaptations concrètes pour garantir aux travailleurs des conditions de travail adaptées, notamment aux besoins spécifiques de la mixité en termes d’ajustement des charges physiques et d’organisation des espaces collectifs (ex : sanitaires, hébergements).
Premier constat : il y a une conviction partagée sur les risques climatique et leurs incidences sur les conditions de travail. Pour les saisonniers interrogés, il est urgent d’agir.
Quelle perception du changement climatique par les salariés en viticulture ?
Une préoccupation largement partagée face au changement climatique
- 90 % des saisonniers (Clisève© 2), comme des vignerons interrogés dans la phase 1 (Clisève© 1), se disent préoccupés par le changement climatique.
- 60 % des saisonniers s’accordent sur l’origine humaine du changement climatique, contre 45 % des exploitants.
- 93 % des salariés expérimentés perçoivent des impacts climatiques sur leur travail et perçoivent leur intensification marquée ces dix dernières années.
- Les jeunes travailleurs (16-30 ans) sont plus sensibilisés aux risques climatiques, mais expriment aussi une tolérance moindre face aux conditions de travail dégradées.
- Les perceptions du changement climatique ne varient pas quel que soit l’âge, le sexe ou le pays d’origine des travailleurs de la vigne ! Loin des stéréotypes véhiculés dans les discours politiques, on ne retrouve pas sur le terrain d’écart de perception entre générations. Il y a au contraire une communauté d’expérience solide, intergénérationnelle, indépendante du genre et de la nationalité.
Des impacts directs sur la santé des travailleurs
Les fortes chaleurs sont une limite majeure au travail
- Un motif de renoncement au travail : 85 % des répondants reconnaissent que les conditions de travail dégradées par forte chaleur pourraient constituer un motif de renoncement au travail.
- Les symptômes fréquents incluent : maux de tête (50 %), vertiges (26 %), nausées (12 %) et même des pertes de conscience (25 %).
Une même perception par tous de conditions de travail dégradées
Cette perception des impacts pour la santé est partagée quel que soit l’âge et le pays d’origine. Néanmoins, l’épreuve climatique au travail est un motif de renoncement au travail nettement plus marqué chez les jeunes que chez les séniors (67 % des 16-30 ans, contre 41 % des plus de 60 ans). Ce « seuil de tolérance » différencié peut traduire une meilleure sensibilisation des salariés saisonniers les plus jeunes aux risques liés à la chaleur.
- 23 % de ceux qui reconnaissent souffrir des dérèglements climatiques continueraient à travailler dans des conditions dégradées et sous de très fortes chaleurs.
Des impacts sur la santé physique et mentale
Ce consentement aux conditions de travail dégradées soulève des inquiétudes concernant vulnérabilité des travailleurs saisonniers :
- Une première hypothèse est que les revenus des vendanges sont nécessaires au point de consentir à des conditions de travail dégradées.
- Une seconde explication serait qu’il peut y avoir une sous-estimation de l’impact de la chaleur sur la santé physique et mentale. En effet, qui connaît bien les conséquences d’une déshydratation sévère ?
Des travailleurs vulnérables mais avec différents seuils de tolérance
Cette vulnérabilité préoccupante est confirmée par l’analyse des symptômes ressentis et observés lors des dernières vendanges.
- Diversité des seuils de tolérance : Les résultats soulignent la complexité de définir une norme universelle pour les conditions de travail en matière de température. Les réponses sur le seuil de température à partir duquel il devrait être interdit de travailler varient selon l’origine régionale des travailleurs.
À noter toutefois :
- pour les 2/3 des saisonniers, il devrait être interdit de travailler à partir de 35 degrés
- 2/3 des saisonniers observent une nette intensification des impacts sur les 10 dernières années.
L’impact des dérèglements climatiques sur la santé et la sécurité au travail concerne l’ensemble du cycle viticole
Une désorganisation du travail
Le premier impact observé est une plus grande imprévisibilité des conditions météorologiques, telles que les pluies, les gels intempestifs, et les pics de chaleur.
Cela désorganise le travail dans la vigne sur tout le cycle agricole et non pas uniquement pendant les vendanges ; horaires perturbés, temps de travail allongé, “vendanges hachées”, pénibilité augmentée…
La perception des effets du dérèglement climatique :
- Concernant les pics de chaleurs de 42-43°, les vendanges et la véraison sont des périodes critiques pour 40 % des répondants.
- 20 % des répondants ressentent ces impacts tout au long de l’année.
- 86 % des saisonniers jugent préoccupants les changements climatiques sur la planète : un consensus par-delà la différence d’âge, de genre, d’expérience et de nationalité.
- 73 % perçoivent les impacts climatiques pas seulement pendant les vendanges, mais aussi à diverses phases de l’année agricole. Des impacts sur la santé au travail liés aux changement climatiques largement reconnus par les saisonniers.
- 77 % des salariés saisonniers interrogés estiment qu’ils sont soumis à des risques physiques
- 26 % à des risques chimiques ; 25 % à des risques infectieux ; 21 % à des risques mentaux
Une vulnérabilité plus forte que celle de leurs employeurs
Par rapport aux vignerons, on observe pour les saisonniers les mêmes impacts, mais avec une vulnérabilité accrue sur certains risques : 25 % ont observé une perte de conscience chez leur collègue (contre 5 % chez les vignerons) Maux de tête :50 % contre 30 % Vertiges :26 % contre 13 % Nausées et vomissements :12 % contre 3 %
Un manque de mesures collectives
L’étude révèle un besoin urgent d’action
- 2/3 des saisonniers n’ont jamais discuté de ces enjeux avec leur employeur.
- 41 % dénoncent un accès insuffisant à l’eau potable qui cause des symptômes de déshydratation pour 30 % des travailleurs.
Les attentes exprimées par les saisonniers en viticulture
- Un droit à l’arrêt de travail par fortes chaleurs (26 %).
- L’instauration de pauses régulières (33 %).
- Un contrôle santé renforcé (13 %).
La CFDT AGRI AGRO : une force d’engagement pour l’avenir
Cette étude étaye nos préoccupations de longue date sur les liens entre dérèglement climatique et santé au travail en agriculture.
Pour la CFDT Agri Agro, ces résultats renforcent la nécessité de placer le climat et la santé au travail au cœur des priorités agricoles. Par ses actions et à son soutien à cette enquête, la CFDT Agri Agro réaffirme son rôle d’acteur de premier plan dans le dialogue social agricole et sa volonté de changer la donne.
Notre ambition :
- Mobiliser les instances locales et nationales pour des plans d’action concrets.
- Assurer une meilleure régulation collective face aux dérèglements climatiques.
- Soutenir les salariés, notamment les saisonniers, en promouvant des conditions de travail dignes et adaptées.
Des pistes d’actions sont évoquées dans l’étude. Elles confortent l’indispensable et urgente nécessité de travailler sur ce sujet dans l’ensemble des espaces de dialogue et des instances agricoles qu’elles soient nationales ou locales, jusqu’au sein même de l’entreprise.
Merci à tous ceux qui ont contribué au succès de cette étude !
La CFDT Agri Agro : engagée pour une meilleure santé climatique au travail et un avenir durable pour la filière viticole !
Pour en savoir plus :
Notre communiqué de presse [téléchargez]
La synthèse de l’étude sur le site de Croissance Bleue[téléchargez]
Le débat du 15.01.2025 dans le cadre des Rencontres du CESE [téléchargez]