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Un mort tous les trois jours en agriculture en France : loin d’être une fatalité, quelles clés pour la prévention ?

Le secteur agricole est particulièrement touché par les accidents du travail mortels. C’est le constat du Ministère de l’agriculture le 19 avril 2024. La CFDT Agri Agro a demandé une négociation sur les conditions de travail en interbranches agricole. Elle revendique des avancées pour prendre en compte la féminisation des métiers et le réchauffement climatique. Car on ne vient pas au travail pour se blesser ou pire. Petit tour d’horizon des mesures revendiquées.

Appliquer d’urgence la loi pour la prévention en matière de santé et de sécurité au travail

Un diagnostic de branche annuel devrait être la norme, un bilan annuel pour préparer l’avenir

Pour bien décider, il faut bien analyser. Toute démarche de prévention commence donc par l’établissement chaque année en interbranches agricole, puis dans chaque en branche, puis dans chaque territoire d’un état des lieux. Et d’une analyse genrée de la sinistralité , comprenant les indications suivantes :
• l’évolution sur les 3 années précédentes des maladies professionnelles et accidents du travail,
• le taux de fréquence et de gravité,
• les données sur l’absentéisme,
• les effectifs concernés par filière,
• la typologie des accidents, etc.

Dans le même temps, les partenaires sociaux devraient être informés sur le recours aux contrats de prévention conclus avec la MSA. Avec une analyse quantitative et qualitative. Et assurer un suivi de l’appel à projet du Ministère de l’agriculture, de la CCMSA et de l’ANACT auprès du Fonds d’amélioration des conditions de travail. Enfin, la Commission paritaire nationale pour l’amélioration des conditions de travail en agriculture (CPNACTA) devrait présenter un rapport annuel des actions menées par les CPHSCT.

Les outils de la prévention, CNOP, CPHSCT, DUERP, on a tous à y gagner

Après l’analyse, il apparaît nécessaire de rappeler aux employeurs et aux salariés l’obligation légale de la rédaction et de la mise à jour annuelle d’un Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) dans chaque entreprise employant des salariés. En y associant les salariés, la mise à jour annuelle du DUERP gagnerait du sens. En impliquant les élus du personnel quand il y en a. Ou en convoquant un échange sur le sujet dans les entreprises de moins de 11 salariés ou en cas de carence.

En complément, les entreprises devraient informer les salariés de l’existence des Commissions paritaire d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ( CPHSCT ). Et prendre les mesures adaptées pour laisser les salariés désignés y participer. Ou offrir une journée annuelle de congé à celles et ceux qui veulent assister à un évènement organisé par ces dernières.

Autre outil de prévention à généraliser, des contrats de prévention peuvent être signés avec la MSA locale par les entreprises de moins de 200 salariés. Des conventions nationales d’objectifs de prévention encadrent ces contrats ( CNOP ). Les salariés doivent participer à l’élaboration de cette prévention. La MSA peut accompagner financièrement l’entreprise. Reste à ce que les entreprises et les salariés soient au courant de leur existence.

Pénibilité, travail isolé et risques psychosociaux : des sujets encore peu exploités en agriculture

La pénibilité tue à petit feu : les employeurs doivent enfin reconnaitre cette réalité !

Il est désormais nécessaire de s’attaquer à la pénibilité du travail. Autrement appelée usure professionnelle par les employeurs pour en limiter les effets. Le premier point est d’assumer le terme pénibilité. Car la suite de cette pénibilité, ce sont souvent des accidents du travail et des maladies professionnelles. Puis de l’invalidité et une inaptitude au poste. Et par la suite le licenciement, avec le mal-être qu’il engendre.

La CFDT Agri Agro revendique un travail paritaire pour définir une grille d’évaluation des métiers soumis à l’usure professionnelle. Sur la base de littérature dédiée chez l’INRS et la MSA, les syndicats de salariés et d’employeurs devraient pouvoir fixer des règles en ce sens. Et définir ainsi les modalités d’utilisation du Fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle et de l’accès aux points pénibilité du compte professionnel de prévention.

Pour y arriver la CFDT Agri Agro propose de mener à tous les échelons territoriaux et par secteur professionnel un travail visant à définir sur la base de ces critères objectifs les métiers soumis à l’usure professionnelle. Réunis en Commission mixte paritaire à l’échelle du département ou de la région, les syndicats de salariés et d’employeurs auraient un sujet de dialogue social immédiatement utile et constructif.

Travail isolé et risques psychosociaux, le mal-être en agriculture s’installe

La CFDT Agri Agro appelle la profession à réfléchir collectivement à la prévention des risques psychosociaux. Syndicat très impliqué dans le plan interministériel de prévention du mal-être en agriculture, la CFDT Agri Agro est représentée dans les deux tiers des comités départementaux traitant de ce sujet. Il devient crucial qu’on prenne en compte les difficultés des salariés. Et pas seulement celles des exploitants. Quand le patron et l’entreprise vont mal, les salariés sont inquiets et vont mal eux aussi.

Une autre réflexion doit être menée dans toutes les entreprises concernées par la protection contre travail isolé. En faisant appel si nécessaire à des contrats de prévention avec la MSA. Le travail isolé ne tue pas à proprement parler, mais ralentit la rapidité d’arrivée des secours en cas d’accident grave. Il s’agit donc d’étudier la pertinence de la mise en place d’équipements fiables DATI (dispositifs d’alerte du travailleur isolé) pour donner l’alerte en cas de problème. Ou de définir une organisation du travail éliminant le risque à la source comme le travail en binôme systématique. Ceci doit être combiné avec la mise en place d’un suivi médical psychologique régulier des travailleurs isolés.

Risques liés à l’exposition aux produits chimiques en agriculture : sortir du déni !

Pesticides : réduire leur usage, et, quand on n’a pas le choix, les manipuler avec le bon équipement

Autre risque majeur en agriculture et souvent sous-estimé ou tabou : l’utilisation des produits chimiques. Biocides, désinfectants, hormones, engrais, herbicides, la liste est longue. Ceux qui les vendent parlent de produits phytopharmaceutiques. Ceux qui les utilisent, de produits phytosanitaires. Ceux qui les respirent ou s’en aspergent, de pesticides. Leur utilisation est dans le trio de tête des demandes de prise en charge d’une maladie professionnelle. La CFDT Agri Agro prône une utilisation raisonnée de ces produits souvent néfastes pour la santé humaine et l’environnement … quand toutes les méthodes non chimiques ou non toxiques n’ont pas porté leur fruit.

La CFDT Agri Agro revendique le port obligatoire d’équipements de protection individuels (EPI) adaptés à l’utilisation des produits chimiques. Ces EPI doivent être fournis par l’entreprise, tant pour l’utilisateur que pour les salariés exposés. Les salariés qui n’auraient pas ces équipements doivent faire jouer leur droit de retrait. Il apparaît aussi fondamental de tenir compte de la rémanence des produits.

Une formation adaptée et des mesures d’ambiance sauvent des vies pour ceux qui manipulent les pesticides

En complément des équipements et de l’utilisation raisonnée, la CFDT Agri Agro exige la formation certifiante obligatoire des utilisateurs de produits chimiques. A usage vétérinaire, à usage de désinfection, à usage phytosanitaire. Pas seulement les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Tous les produits chimiques ! Cette formation doit faire partie des socles des modules de formation professionnelle des métiers concernés.

Ouvrière horticole portant ses équipements de protection individuelle pour traiter les plantes

De plus, la mise à disposition des fiches de données de sécurité des produits chimiques avec le DUERP est une nécessité. Autant que de donner pour consigne aux salariés de les lire. Et d’afficher dans les lieux de stockage des produits les EPI nécessaires à leur utilisation en sécurité. Voire d’en faire un thème de la formation d’accueil. Et aussi de mettre en œuvre tous les moyens de mesure de l’exposition nécessaire. Fumée de soudage, gaz d’échappement, rémanence des désinfectants, poussières : mesurer la concentration dans l’air permet souvent de ventiler avant d’entrer, et de limiter l’exposition …

Pour finir, la CFDT Agri Agro revendique l’obligation pour les entreprises de décerner une autorisation d’utilisation des produits chimiques aux salariés concernés. En particulier pour les produits biocides et CMR. Pour cela, les entreprises devraient vérifier que le salarié est titulaire d’une formation certifiante et d’un certificat d’aptitude de la médecine du travail.

Pour la CFDT Agri Agro, l’agriculture doit passer un cap sur la sécurité au travail. Réchauffement climatique, féminisation, renouvellement des générations, autant de défis qui ne seront résolus qu’en changeant profondément les méthodes. Et en osant bien travailler.

> Pour en savoir plus, consulter le site de la CFDT Agri-Agro